"Étant donné le très grand développement du cerveau des odontocètes, on s'est demandé dans quelle mesure ces animaux pouvaient communiquer entre eux. Dés que l'on a entrepris de conserver des dauphins souffleurs (Tursiops truncatus) en captivité au delphinarium de Marineland en Floride, le premier qui ait été construit au monde, ces animaux ont donné l'impression qu'ils conversaient entre eux.

En 1965, nous avons gardé, dans notre propre delphinarium, un souffleur isolé pendant deux mois. 
Un tuyau de polyester de 10 centimètres de diamètre servait de déversoir entre son petit bassin et le grand bassin où séjournaient les autres animaux ; les deux extrémités en étaient immergées. Nous pouvions fréquemment voir un dauphin à chaque bout de ce tuyau: par des sons clairement audibles pour nous qui étions hors de l'eau, ils établissaient le contact un avec autre. Souvent, un animal du grand bassin se livrait à cette prise de contact quand il rentrait de la piscine de démonstration et avait donc été absent pendant un certain temps.

Quiconque possède des dauphins captifs peut faire de telles observations sous différentes formes et la littérature scientifique en fait mention.

On peut surprendre aussi de telles "conversations " de la part d'animaux en liberté. 
Les chercheurs californiens Evans et Dreher témoignent d'un cas remarquable qui s'est produit alors qu'ils étaient à l'ancre, à l'entrée du lagon de Scammon, en Californie. 

Ils purent observer le comportement et en enregistrer les bruits d'un groupe de souffleurs qui, ne se doutant de rien, s'approchèrent d'une barrière et la reconnurent au moyen de leur sonar à 350 mètres de distance. Aussitôt le groupe s'arrêta. 

Après une longue hésitation pendant laquelle les observateurs humains entendirent des sifflements, un des dauphins partit en reconnaissance, puis retourna parmi ses compagnons et fit manifestement son rapport. 
Il s'ensuivit une nouvelle reconnaissance, puis une " discussion " avec des sifflements en sourdine, avant que les animaux ne passent la barrière.

Lanq et Smith ont tenté une intéressante expérience. 
Ils ont installé deux dauphins souffleurs, une femelle, Doris et un mâle, Dash dans deux bassins séparés où les animaux ne pouvaient pas se voir et ils n'étaient reliés que par un téléphone. 


Les chercheurs pouvaient, à l'aide d'un interrupteur, couper la ligne et empêcher chaque dauphin d'entendre son partenaire, tout en continuant à enregistrer sur bande magnétique leurs émissions sonores. 

Au moment de rétablir la communication téléphonique, on émettait un signal spécial comme avertissement. 
Au début de l'expérience, c'était surtout Dash qui cherchait à se rendre compte d'où provenait ce bruit. Pendant que le téléphone était en fonction, les dauphins " parlaient " sept fois plus que quand la ligne était coupée. Leurs phrases étaient courtes, quelques secondes au maximum.

Le biologiste John Lilly m'a relaté les conversations auxquelles il a assisté. Il m'a affirmé que les dauphins sont polis au point de ne jamais s'interrompre et de laisser leur interlocuteur terminer ce qu'il avait à dire. 

(...) 

Le problème qui se pose est de savoir dans quelle mesure les animaux peuvent se communiquer de réelles informations, ou si ce n'est là qu'une illusion. Le Docteur Bastian, de Californie, a essayé d'élucider cette question.

Il a utilisé deux souffleurs qui ne pouvaient pas se voir, mais bien s'entendre. 
Il apprit aux animaux appuyer sur un bouton lors de l'apparition d'un signal lumineux continu, et sur un deuxième bouton quand apparaissait une lampe clignotante. 

Plus tard, l'un des animaux devait appuyer la premier sur les boutons, avant que l'autre puisse le faire à son tour. Le dressage réussit. 

Dans une troisième phase, l'animal qui devait pousser le premier sur les boutons ne reçut plus de signal lumineux : de plus, il ne pouvait pas voir le signal destiné à son confrère. 

Le résultat étonnant de cette expérience est que l'animal privé de la vue de tout signal, appuyait néanmoins sur le bouton convenable dans 85% des cas, à condition de pouvoir entendre son partenaire : dés que toute communication auditive était supprimée entre les deux dauphins, l'expérience échouait. 


 

L'ingénieur Van de Ree, de l'université technique de Delft, a répété les expériences de Bastian, avec un équipement plus perfectionné et des méthodes d'analyse plus raffinées: en outre, il a amélioré les processus de dressage. 

L'animal qui ne pouvait pas voir le signal lumineux a été aveuglé complètement par un masque, pour exclure en toute certitude sa capacité de voir le signal.
D'autre part, l'autre animal, qui devait transmettre l'ordre qu'il avait reçu visuellement, n'était autorisé à presser le bouton qu'à la condition que son partenaire aveuglé ait lui même réagi correctement. 

Au cours de la dernière série d'expériences selon ce schéma, sur 250 tentatives, 99% donnèrent un résultat positif !

Comme ultime perfectionnement de cette technique expérimentale, les sons émis par le dauphin qui "commandait " les actes de son partenaire étaient captés au moyen d'un hydrophone très sensible attaché à son museau par une ventouse adhésive: de la sorte, l'émission même du signal acoustique était enregistrée avant d'avoir subi éventuellement une distorsion dans l'eau : simultanément, les actes des dauphins étaient enregistrés visuellement sur un enregistreur vidéo.

A notre surprise, il apparut que les ordres "appuyez sur le bouton droit " et "appuyez sur la bouton gauche " n'étaient pas différents, statistiquement parlant.

Seule, la position du dauphin qui donnait ces ordres différait dans les deux cas. 
Cette position différente entraîne, semble-t-il, une différence dans la qualité du son émis, en sorte que l'animal qui écoute peut y trouver une information. 

Il a été confirmé, comme le pensait Bastian. que les sifflements n'ont probablement aucune signification dans ce contexte. 
Ce sont les trains de clicks qui ont ici une importance primordiale pour le sens de l'information et pour la réussite des tentatives de communication".
 
 

Copyright © Thoun-Thava, TS7, Lycée Kléber 2004