… Ils « voient » par le son ! Depuis que l’échographie est utilisée dans les maternités pour observer les bébés… beaucoup d’entre nous ont une idée de ce que ça peut vouloir dire. Mais une idée très vague : le dispositif à écholocation du cétacé est un prodige qui, par certains aspects, surclasse même nos yeux.

« Regardant » un être vivant, les cétacés perçoivent l’intérieur de son corps…: les poumons, l’estomac, les trachées. Source « Le cinquième rêve » de Patrice VANEERSEL.

1. La notion de sonar

Le mot « SONAR » vient de l’anglais SOund Navigation And Ranging, ce qui signifie navigation et évaluation de la distance par le son. L’écholocation ou sonar biologique est semblable dans son principe au radar mais utilise des ondes sonores plutôt que des ondes électromagnétiques.



Le sonar se situe dans la tête de l’animal. Il lui permet de se guider par un système d’écholocation : le dauphin émet un faisceau d’ondes sonores à hautes fréquences en direction d’un objet. Les ondes rebondissent contre cet objet puis reviennent vers un organe récepteur situé dans la mâchoire, c’est là que les ondes sont décryptées et que s’élabore une image mentale. Ce système d’écholocation se met en place chez le delphineau à un mois mais requiert un certain entraînement, assuré par la maman, pour être efficace.

Lorsque nous crions dans une vallée encaissée, nous recevons un (ou plusieurs) écho(s) de notre voix. Mais nous ne sommes pas capables d’en analyser le temps de retour afin d’en déduire la distance à laquelle se trouvent les falaises.

Toutes choses égales, le cétacé y parvient. Son ouïe lui offre une « photographie » du paysage si précise, si fine, qu’il pourrait déceler chaque pilier, dièdre ou faille de la paroi rocheuses, chaque grotte ou buisson de la pente : jusqu’à la texture de la pierre, jusqu’au oiseaux qui y nichent.

2. Exemples d’utilisation du sonar

Grâce à son sonar, le dauphin serait capable de « voir » au travers des êtres humains. Voici un exemple de cette vision, à priori aussi précise qu’une échographie, tiré du livre « Le message des dauphins » de Patricia ST-JOHN :

Une jeune fille paralysée entre dans un bassin où des dauphins vivent en captivité. L’un d’entre eux sonde ( = regarde avec son sonar) la colonne vertébrale de la jeune fille, comme s’il avait compris que le problème de cette dernière se situait à ce niveau là. A ce même moment une personne valide s’installe sur le fauteuil de la jeune fille handicapée resté sur le bord, le dauphin manifeste alors son mécontentement d’un air de dire :« tu n’as pas à te servir de ce fauteuil, tu es valide ! ».

L’article « Body stade communication among cetaceans » de John SUTPHEN suggère (M. SUTPHEN a fait beaucoup de biochimie et de bio mécanique pour étayer cette hypothèse) qu’ « avec les trois canaux de sonar dont ils disposent, les cétacés peuvent voir-lire-écouter le cœur et le cerveau de chacun de leur congénères . Il ne peut y avoir de tromperie . Les niveaux de pulsation sont en permanence contrôlés par chaque membre du groupe. Les cancers, tumeurs et inflammations enfouis au plus profond des organes internes apparaissent clairement. La santé et le bien-être aussi, peut-être la colère et sûrement la peur. Ni bluff, ni falsification possibles. Source « Ambassadeur des dauphins » de Wade DOAK.

John LILLY  s’est beaucoup amusé à imaginer ce qu’un tel sonar permettrait de savoir sur ses voisins : « Tiens ce bonhomme est bien nerveux ouh là, celui-ci a le cœur qui bat drôlement vite. Et voilà un qui a le sexe épanoui ! Oh quel horrible cancer ! ». Impossible de mentir, puisque tous nos états émotionnels se traduisent par des mouvements intérieurs et par des sécrétions. Source « Le cinquième rêve » de Patrice VAN EERSEL.

 

3. Techniquement comment ça marche ?

Lorsque le dauphin sonde ( regarde avec son sonar), il émet des clics sonores ; ces sons ne doivent pas être confondus avec les sifflements qu’il émet pour la communication. La portée de ces sons est d’une centaine de mètres mais varie et peut être bien plus importantes pour certaines espèces.

Afin de conserver l'oxygène lors des apnées, leurs émissions sonores ne se font qu'en circuit fermé, sans dégagement de bulles d'air. De part et d'autre du conduit nasal, qui s'ouvre sur l'évent, on découvre trois paires de sacs aériens de formes et de tailles diverses. 

Disposition des sacs aériens chez les petits Odontocètes

La pratique de l’écholocation par les Mysticètes est sujet à controverse scientifique, mais a été démontrée chez tous les Odontocètes.

Le cétacé contrôle le  débit avec la même aisance que nous pourrions contrôler l'ouverture d'un ballon gonflable en relâchant doucement la pression des doigts. Le passage de l'air d'un sac à l'autre détermine le son produit. 
Les clicks (mais aussi toute la gamme extraordinaire que le dauphin émet par le moyen de ses sacs nasaux) sont ensuite réfléchis par la parabole crânienne située derrière les sacs aériens. 

Focalisés par la "loupe" graisseuse du melon ( très visible notamment chez le Grand dauphin ou le Cachalot), puis projetés en un seul faisceau comme la lumière d'une lampe de poche, les clicks heurtent l'objet, sont réfléchis sous forme d’échos par celui-ci (proies, prédateurs ou relief) et puis reviennent vers le dauphin. Ils retentissent sous l’eau comme une grêle de minuscules coups secs et nets enchaînés l’un à l’autre en de courtes séquences. Le dauphin en réceptionne l'écho avec la pointe de sa mâchoire inférieure dont les os, très sensibles, transportent les vibrations sonores jusqu'aux oreilles internes. 

Ici nous nous intéressons à la partie réception.

La même parabole crânienne joue à ce moment le rôle d'antenne et non plus d'amplificateur et le savant travail de décodage peut alors commencer dans le cerveau du dauphin. Les informations reçues sont assez grossières et concernent l’aspect du fond marin ou une masse importante, bateau ou autre Cétacé.

La réception auditive de l’écho est substantiellement différente chez les Mammifères terrestres qui pratiquent l’écholocation (Chauve-souris) et les Mammifères aquatiques car chez ces derniers, le méat du conduit auditif externe n’est pas la voie préférentielle de la transmission du son vers l’oreille moyenne et l’oreille interne. Dans bien des cas, le conduit auditif n’est pas fonctionnel et c’est par une autre voie que sont acheminés les sons. L’oreille moyenne est entourée d’un os exceptionnellement dur, la bulle tympanique . Les sons sont recueillis par la mâchoire inférieure qui possède une fenêtre acoustique remplie de substance graisseuse et transmis à la bulle tympanique. Des tests de sensibilité acoustique sur le Grand Dauphin Tursiops truncatus montrent que la mâchoire inférieure est 6 fois plus réceptive que le canal auditif externe.

Ces "burst pulsed sounds" extrêmement brefs (moins d'une seconde d'émission continue) ne sont pas des sons purs mais des "bruits", d'inextricables petits paquets d'ondes situés sur des fréquences de 120 à 130 Khz et d'une puissance frisant parfois les 220 décibels. Lorsqu’un cétacé découvre un obstacle, une proie, un congénère, un ennemi etc… il a la faculté de l’explorer en détail. Il augmente à ce moment là la fréquence des émissions et « balaye » sa cible en remuant la tête de droite à gauche et de haut en bas.

4. Application du sonar à la chasse
 
Supposons à présent qu'un poisson soit repéré dans ce champ de vision "stroboscopique". 
Puisqu'il fait nuit, l'œil ne peut confirmer l'image en mode visuel. Lorsque la chasse commence, le dauphin resserre alors le rayon de son biosonar et le dédouble en deux faisceaux. 
Plus précis, mieux ciblés les trains de click bombardent le poisson sous tous ses angles et peuvent même pénétrer dans son corps en renvoyant l'image de ses organes internes. Les deux trains de clicks sont produits presque simultanément, l'un à 20° à gauche de la ligne du rostre et l'autre à 20° sur la droite. Les deux rayons se chevauchent au point focal (0°) et fournissent une "visiaudition" de type binoculaire. 

Un intervalle de 80 millièmes de seconde sépare l'émission de chacun des faisceaux, de sorte qu'en calculant le léger retard d'un écho par rapport à l'autre, le dauphin peut estimer la profondeur de champ et la distance qui le sépare de chaque élément de l'objet observé. 
Se rapprochant de sa proie à toute vitesse, le dauphin n'a de cesse que de conserver le contact avec elle et multiplie la fréquence et l'intensité de ses trains de clicks, comme pour maintenir le "projecteur" allumé presque en continu. 
Les ondes à haute fréquence ont une portée plus courte mais fournissent en revanche une bien meilleure définition des détails. 

En nageant, le dauphin opère un mouvement de balayage avec la tête avant d'obtenir une image complète de sa cible, que ses organes visuels conforteront par ailleurs. S'il veut obtenir davantage de détails encore sur son contenu, le dauphin la bombardera alors sa cible à bout portant, d'un faisceau de clicks aussi fin et précis qu'un rayon laser. 

Celui-ci pénètre la matière et en estime la densité avec une incroyable précision : la nature d'un métal (zinc plutôt que cuivre) ou des variations de l'épaisseur d'un tube de l'ordre d'un millième de millimètres sont alors parfaitement perçus par cette échographie biologique.

D’autres animaux possèdent un système analogue (les taupes, les musaraignes, les chauves-souris…) mais celui des dauphins et des odontocètes en général (cétacés à dents) est le plus perfectionné.

 

Copyright © Thoun-Thava, TS7, Lycée Kléber 2004