Les émissions sonores des delphinidés (et les cétacés en général) peuvent être globalement divisées en formes pulsées et non pulsées (continues). Les formes pulsées se subdivisent en deux sous-groupes d'après leur utilisation : écholocation et fonction sociale. Les formes continues, appelées également sifflements ou whistles pour les anglo-saxons, sont typiquement des sons non modulées ou modulées ayant un rôle sociale.
Les trois grandes classes de signaux qui sont décrites ci-dessous se basent sur des différences très nettes de structure (son purs, harmoniques). Toutefois il faut noter que dans chacune de ces classes il nécessaire d’établir de nouvelles classifications, mais celles-ci ne sont pas encore standardisées.
Richard C.Connor a tenté de classer ces sons en (au moins) 8 catégories :
1. Barks (aboiements)
2. Donkey's bray (braiments d'âne)
3. Squeaks (cris pulsés d'intensité croissante)
4. Squawks (cris rauques)
5. Grunts (grincements, grognements)
6. Mews (miaulements)
7. Moans (gémissements)
8. Yelps (jappements)
Denise L.Herzing y ajoute encore les vocalisations suivantes :
- Excitment vocalization :
Vocalisation d'excitation. Sons pulsés avec signature sifflée en surimpression, 2-30secondes de durée, 4à 18 kHz en puissance sonore, généralement accompagnées d'émission de bulles et produit dans des circonstances de détresse ou de grand énervement.
- Genital buzz :
Clicks de haute fréquence répété envoyé rapidement sur la zone génitale d'une compagne ou d'un compagnon. 1,2 Khz- 2,5 kHz 8-2000 clicks par secondes. De 6 à 20 secondes de durée. Utilisé lors des interactions amoureuses.
- Razor buzz :
Train de clicks écholocatoires de 2, 0 à 6 kHz. 200 clicks par seconde, maintenus pendant plusieurs minutes. Le son est typiquement celui d'un rasoir électrique ! Utilisé lorsque les dauphins se regroupent en faisceaux, couchés sur le fonds sableux.
- Echolocation avec rostre dans le sable :
2, 0 à 6 kHz, 400 à 500 clicks par seconde, durée brève de deux à trois secondes. Utilisé lors du foraging
- Echolocation avec trilles « recouvrantes » et sifflements « surélevés »
2, 0 à 6 kHz , 8 à 100 clicks par seconde, trilles répétées sous 5 kHz, sifflements de 4,8 à 16 kHz. Utilisé par les dauphins Tursiops des Bahamas lors de l'exploration des rochers et des bancs de récifs. Durée brève de deux à trois secondes.
Les dauphins peuvent encore émettre quantité d'autres sons qui s'apparentent à des cris ou à des ordres brefs, et qui sont toujours produits dans un contexte émotionnel intense. Lorsqu'un dauphin se met en colère, il agite généralement la tête en produisant un violent "crack" explosif.
Lorsqu'il appelle une jeune delphine de façon impérative, il émet plutôt une sorte de "pops", qui semble vouloir dire "Viens ici !".
Il s'agit de brèves impulsions sonores typiquement émises en série, généralement employées comme signaux d'écholocation chez les dauphins. L'écholocation n'est pas réellement un moyen de communication entre les cétacés, il est utilisé comme sonar et permet à l'animal d'appréhender son environnement. En Manche, on peut détecter très souvent ce type de signal, notamment au moment des chasses collectives, où les dauphins localisent leurs proies grâce à l'écholocation.

Spectrogramme 1 : Train de clicks x-temps : 256ms ; y-fréquence : 2 kHz
Les clicks ont été décrit et étudier par de nombreux auteurs, qui ont analyser la durée, la répétition et la bande passante. Les clicks des dauphins sont indifféremment observer en milieu naturel et en captivité, toutefois on constate qu'en captivité l'utilisation des clicks est moins soutenue du fait de la clarté de l'eau.
Ce type de son est décrit de manière très pittoresque dans la littérature anglo-saxonne, on rencontre des termes désignant la sonorité que rappelle ce son, c'est tout autant de terme comme "quawks", "moans", "blats", groans". Au sein du répertoire des dauphins, il semble que ces signaux est un rôle social.
La structure fréquentielle est complexe, elle se compose d'harmoniques qui peuvent être modulées ou non.

Spectrogramme 2 : Deux cris x-temps : 256 ms ; y-fréquence : 2 kHz
Les sifflements (whistles), signaux privilégiés
Les recherches sur les communications vocales chez le grand dauphin et les autres delphinidés ont centré leurs efforts sur les sifflements pour des raisons très pragmatiques. Le spectre sonore des sifflements est facilement enregistrable et analysable ; ces sifflements sont notamment émis par la plupart des animaux captifs et semble n'avoir aucune autre fonction que celle de la communication. Si bien que certains auteurs avancent que le sifflement constitue le niveau primaire du mode de communication, une hypothèse qui n'a pas encore été vérifiée.
Il faut remarquer qu'un large nombre d'espèces de cétacés n'utilisent pas le sifflement, les sons pulsés s'imposent donc comme signal de communication. Pour les espèces utilisant les sifflements, les sons pulsés peuvent alors apparaître comme un enrichissement du répertoire de communication.
D'un point de vue structurel, les sifflements sont des sons purs ou quasiment purs. Ils sont typiquement non modulés ou modulés, et émis dans l'intervalle 5 – 15 kHz en moyenne. La durée typique est comprise entre 0.5 et 2 secondes. Ces signaux peuvent sont émis à répétition pendant un certain temps, comme ils peuvent être émis partiellement.

Spectrogramme 3 : Deux sifflements successifs x-temps : 256ms ; y-fréquence : 2 kHz
A l'analyse spectrographique, on constate que ces signaux sont des sons purs, non mélangés, qui peuvent durer de 0,5 à deux secondes.
Puisqu'il est plus aigu, un son sifflé porte naturellement plus loin que les clicks ordinaires, ce qui permet ainsi aux membres éloignés d'un groupe de rester en contact.
Selon le Dr Randal WELLS, le répertoire sifflé d'un dauphin Tursiops est fondamentalement constitué par un son très particulier qui n'appartient qu'à lui, la signature sifflée (signature whistle).

Dès leur naissance - et sans doute même AVANT - les dauphins mâles apprennent la signature sonore de leur mère. Les femelles adoptent un autre nom, puisqu'elles passent leur vie ensemble et ne quittent guère le giron maternel.
Selon Randy Wells, la signature des mâles se compose de trois éléments acoustiques étroitement associés :
1. La moitié du signal sonore maternel.
2. Un quart du signal sonore propre au groupe familial.
3. Un dernier quart sonore unique désignant l'individu lui-même.
La reconnaissance de ce nom composite - proche, comme on le voit, de nos prénoms et noms de famille - peut avoir d'autres conséquences tout à fait fascinantes. Lorsqu'ils quittent leur famille à la fin de l'adolescence, vers 14 ou 15 ans, les jeunes mâles peuvent rencontrer au cours de leurs voyages un groupe de femelles issues de la même tribu ("pod") qu'eux. Pour éviter toute relation incestueuse, chacun décline alors son identité. Ou bien encore, lorsque deux frères se retrouvent au terme de longues errances et qu'ils se reconnaissent comme tels, jamais aucun combat, duel ou rivalité amoureuse n'adviendra entre eux deux.
Il apparaît également que lorsqu'il se sert de ce sifflement identificatoire pour les communications à distance, le dauphin peut y insérer des informations conceptuelles précises : présence de poissons, importance du banc, localisation et mouvement, etc.
Selon l'intensité et la modulation de ce son - émis vingt ou trente fois à la seconde - il exprime également son état émotionnel ou signale simplement sa propre présence à ses compagnons.
"Je suis là... je suis ici... Moi ici..." se lancent sans cesse les dauphins qui nagent, chacun égrenant son nom aux quatre coins de la troupe. Plus la nuit tombe, moins on y voit, et plus les dauphins s'interpellent alors et dialoguent sous
les eaux.
Mais ce système, continue le Dr R.Wells, n'est pas le seul en action chez les dauphins.
Dans le cas d'une conversation d'individu à individu, un dauphin fera suivre son propre sifflement par celui de son interlocuteur, mais selon des règles subtiles. Par exemple, l'ordre de l'énoncé tiendra compte de la position hiérarchique de celui qui s'exprime.
Par ailleurs, on observe que les dauphins effrayés ou échoués émettent sur une fréquence souvent accélérée, qui n'est pas sans rappeler le débit altéré d'un humain en détresse. Dès qu'un dauphin se met à émettre un signal en boucle, les autres s'agitent ou le rejoignent.
Enfin, lors des naissances, toutes les femelles rassemblées qui entourent la parturiente, sifflent leurs propres noms en boucle, sans cesse, comme si elles chantaient...
On ajoutera pour conclure que d'autres études, plus récentes, ont révélé que le répertoire des sifflements ne se limitait pas aux signatures sifflées. D'autres modulations existent, qui n'ont pas encore fait l'objet d'un recensement systématique
ni n'ont encore été mis en corrélation directe avec les comportements observés. Elles ne s'entendent en effet qu'en milieu naturel.
Pour Denise L.Herzing qui travaille depuis des années avec les dauphins tachetés libres vivant aux Bahamas , la notion de signature sifflée fixe telle que décrite par Randy Wells ne doit pas occulter le fait que cette « signature » sert en fait à d'autres usages que la simple signalisation du nom.
Denise Herzing observe en effet qu'il existe un véritable répertoire de sifflements nuancés selon les circonstances , sans parler de l'ajout des bulles d'air comme « accents » du discours, et que de façon générale, ces sifflements sont produits :
- durant la période d'excitation précédant la chasse nocturne chez le «spinner dolphin»
- durant les jeux sur la lame d'étrave des navires (bow riding) chez le dauphin commun
- durant la période d'alimentation des globicéphales
- durant les activités menées en coopération par plusieurs individus chez le Tursiops
- lors des réunions mère-enfant chez le Tursiops.